Les enfants d’abord ? La prise en charge médico-légale des mineurs entre soin et expertise
Résumé
Forensic examinations on minors are a borderline case of forensic expertise because they destabilise the care/record dichotomy according to which therapeutic work must disappear behind the expertise of assaulted bodies. This paediatric expertise brings to the forefront a defining debate in forensic medicine around the choice of those having mandate to carry out acts on judicial requisitions. Paediatricians consider that they should have a voice when the handling of children requires care and screening. Claiming a paediatric prism, forensic paediatricians accuse the requisitions of limiting forensic operations to simple acts of constat, while their expertise is also that of paediatric specialists of children. By placing "children first", they intend to deal with specifically paediatric problems without reducing the examinations of minors to the level of expertise alone. Based on an ethnographic survey of these professionals, the article shows that paediatric specialty training has a strong impact on the practice of forensic expertise of minors, constraining forensic work between a requirement for evidence and a therapeutic concern.
Les examens médico-légaux sur mineurs constituent un cas limite des expertises en médecine légale, car ils déstabilisent la dichotomie soin/constat selon laquelle le travail thérapeutique doit s’effacer derrière l’expertise des corps violentés. Ces expertises pédiatriques rendent alors saillant un débat structurant en médecine légale autour du choix des professionnels ayant mandat pour réaliser des actes sur réquisitions judiciaires. Les pédiatres considèrent devoir avoir voix au chapitre dès lors que la prise en charge des enfants nécessite des soins et du dépistage. Manifestant un parti-pris pédiatrique, les pédiatres légistes reprochent aux réquisitions de fermer les opérations médico-légales sur les actes de constats, là où leur expertise est aussi celle de pédiatres spécialistes des enfants. En plaçant « les enfants d’abord », ils entendent traiter de problématiques spécifiquement pédiatriques sans rabattre les examens des personnes mineures sur le seul plan des expertises. À partir d’une enquête ethnographique auprès de ces professionnels, l’article montre que la formation à la spécialité pédiatrique imprime une marque durable sur l’exercice de l’expertise médico-légale envers les mineurs, laquelle met alors le travail médico-légal en tension entre une exigence d’administration de la preuve et un souci thérapeutique.