Les bidonvilles contemporains d'Europe occidentale ont essentiellement été étudiés à l'aide de méthodes qualitatives. Les questions relatives à leur structure ethnique, à l'homophilie et à l'interaction avec les institutions locales n'ont pas été analysées à l'aide de grands échantillons et de données d'enquête. En nous basant sur l'exemple des Roms roumains et bulgares vivant dans des bidonvilles de la région métropolitaine de Paris, nous analysons la région d'origine "historique" (autochtonie), les réseaux entre les individus et les ménages ayant vécu ensemble dans un bidonville, ainsi que certaines de leurs attitudes, compétences et comportements (c.-à-d. les attentes en matière d'aide sociale locale, la maîtrise du français, la scolarisation des enfants). Nous avons utilisé une base de données sur les habitants des bidonvilles de Paris collectée par les travailleurs sociaux (N = 12 019). L'article étudie la manière dont l'autochtonie se combine avec la socialisation dans les bidonvilles et avec les effets institutionnels territoriaux des politiques locales. Les données montrent que si les différences entre les milieux socioprofessionnels des habitants des bidonvilles sont limitées, il existe en revanche plusieurs différences en termes d'attitudes, de comportements et de compétences. En outre, l'analyse des réseaux sociaux montre que ces différences ne sont que faiblement liées à la région d'origine des ménages (autochtonie), alors qu'elles sont davantage corrélées à des groupes structurels émergents de liens de cohabitation, où les individus se socialisent en agissant ensemble pour construire et gérer un bidonville. En outre, les politiques locales au niveau de la ville jouent un rôle dans l'élaboration des attentes et des compétences des habitants des bidonvilles en matière d'intégration.