À première vue, la prescription médicamenteuse est une prérogative exclusive des médecins, résultant de la rencontre entre un médecin et un patient et matérialisée par la rédaction d’une ordonnance. Elle implique en réalité une multitude d’opérations et d’acteurs tant « en amont » qu’« en aval » qui la rendent possible et effective. Parmi ces acteurs, les pharmaciens jouent un rôle essentiel, puisqu’ils ont la charge de valider l’ordonnance et de dispenser (ou non) le traitement. Dans cette contribution nous étudions le développement d’activités dites de pharmacie clinique (APC) par les pharmaciens d’un établissement spécialisé en psychiatrie de la région parisienne. Ces activités, qui visent à favoriser l’implication des pharmaciens dans la coordination ville-hôpital et dans “l’optimisation” des stratégies thérapeutiques médicamenteuses, déplacent le centre de gravité de la pharmacie du territoire traditionnel de la dispensation des traitements vers l’espace de la prescription. Elles contribuent alors à faire de la prescription une “juridiction partagée” entre médecins et pharmaciens mêlant coopération, hiérarchie et concurrence autour des savoirs sur les traitements médicamenteux, de la coordination des prescripteurs et des prescriptions et de la responsabilité de la stratégie thérapeutique médicamenteuse.