Faire la paix avec la bombe ?
Résumé
Depuis soixante ans, nous vivons dans un monde dans lequel des bombes thermonucléaires
peuvent être transportées d’un point à un autre de la planète en moins d’une heure. Ces
explosifs et leurs vecteurs sont habituellement réduits à l’idée de « la Bombe », soit la bombe
atomique. Cette courte intervention est une méditation sur ce que cela voudrait dire de « faire
la paix avec la bombe », ce qui de bien des manières caractérise le discours contemporain sur
les armes nucléaires dans les Etats dotés d’armes nucléaires et leurs alliés. On peut toutefois
entendre cette idée de trois façons différentes, qui seront les trois parties de ce bref propos.
D’abord, comme le proposent les partisans de la dissuasion nucléaire, on peut entendre cette
idée comme signifiant « faire la paix grâce à la bombe » ou plus précisément grâce aux effets
supposés dissuasifs des systèmes d’armes nucléaires. En ce sens, l’introduction de systèmes
d’armes nucléaires dans le monde aurait, en définitive, apporté un élément supplémentaire au
service de la pacification des rapports internationaux. Ensuite, et par suite de ce premier
élément, faire la paix avec la bombe, serait s’y habituer, la normaliser comme un composant
durable et peut être éternel du monde humain. Cette paix-là n’est que l’autre nom de la
résignation, de l’oubli et de la mise en sommeil des questionnements éthiques et politiques à
son sujet, mais surtout l’oubli de la vulnérabilité nucléaire qui demeure. Après avoir réfuté
l’argument de la paix grâce à la bombe, ce qui suggère l’inadéquation de l’attitude d’oubli,
nous explorerons ce que faire la paix dans un monde où les vulnérabilités nucléaires
demeurent et coexistent avec l’effondrement de la biodiversité et le changement climatique
catastrophique.