La bande sahélo-saharienne (BSS) connaît depuis plus d’une dizaine d’années un fort déploiement du terrorisme djihadiste ; l’insécurité, l’instabilité politique et économique caractérisent désormais cette région qui s’étend de l’Afrique de l’Ouest à l’Afrique centrale. Cet islamisme radical et violent regroupe en réalité une pluralité de mouvements dont l’idéologie est fondée sur le salafisme – Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Boko Haram, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et l’État islamique entre autres exemples. Ils parviennent à convertir rapidement les populations, idéologiquement parfois, par la force le plus souvent et/ou par des avantages économiques dont bénéficient leurs membres. Leur influence ne se restreint pas à la seule bande sahélo-saharienne ; ces groupes ambitionnent de s’étendre sur l’ensemble du continent afin d’y appliquer la charia et de permettre le développement d’États islamiques. La communauté internationale, et tout particulièrement la France, ont tenté de freiner la progression de ces mouvements : l’armée française a déployé à partir de 2014 l’opération Barkhane (Mali, Niger, Burkina Faso et Mauritanie) pour lutter contre le terrorisme ; en 2013, la MINUSMA (la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali) était adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU. Elles échouent toutes deux, les troupes françaises se retirent à partir de 2022 ; le mandat de la mission onusienne prend fin en 2023. De nouveaux équilibres se dessinent : la Russie étend son influence dans la région ; de nouvelles alliances se nouent, à l’exemple de l’AES (Alliance des États du Sahel) qui regroupe depuis 2023 le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Si le djihadisme-salafisme constitue une grille de lecture incontournable des évolutions récentes de la BSS, il reste utile d’étudier cette région à partir d’autres clés analytiques. Les trois articles du dossier thématique de ce nouveau bulletin s’inscrivent dans cette démarche. La question djihadiste est certes abordée, mais les analyses proposées permettent d’éclairer sous un nouvel angle les changements en cours dans la région : Boubacar Haidara insiste dans une première contribution sur la pluralité des courants islamiques qui se déploient actuellement au Mali ; Helga Dickow s’intéresse dans un deuxième article au Tchad, en soulignant que si le pays réunit toutes les conditions propices au djihadisme (pauvreté, gouvernement autoritaire notamment), celui-ci ne s’y déploie pas véritablement. Enfin, Afrit Ibrahim expose le développement d’une diplomatie algérienne fondée sur le soufisme dans la BSS, comme alternative au djihadisme-salafisme qui s’y développe. L’Éclairage(S) de ce nouvel opus revient sur les élections européennes de juin 2024. François Foret étudie la politisation croissante de la gouvernance de l’Union européenne, dont la religion constitue une composante malgré la sécularisation croissante des sociétés. La Ressources(S), enfin, fait écho au dossier thématique, par une analyse des contenus mobilisés par les partisans de l’État islamique sur les djihadosphères (Facebook, Twitter, TikTok). L’étude se fonde sur un travail ethnographique mené durant six années par Laurene Renaut.