L’économie numérique occupe une place croissante dans notre société. Des secteurs entiers de l’économie se retrouvent bouleversés par l’apparition de nouvelles entreprises qui concurrencent les acteurs historiques. Ainsi, 21 % des ventes de livres s’effectuent aujourd’hui sur Internet. Au moins 40 % des locations immobilières se font dorénavant grâce à des plateformes numériques. Or le fonctionnement de ce nouveau pan de l’économie reste souvent méconnu et ouvre des interrogations quant aux conséquences de son développement. Les plateformes digitales d’intermédiation sont des plateformes de mise en relation au cadre souple qui jouent uniquement un rôle d’intermédiation entre le client et le prestataire. Leur intervention est minimale : le client sélectionne lui-même son prestataire parmi les réponses recueillies par son annonce, clients et prestataires fixent eux-mêmes les prix des prestations. En modifiant les services proposés et les modalités de contact entre utilisateurs, ces nouvelles plateformes peuvent générer plus facilement des discriminations, mais pourraient aussi les limiter. D’un côté, les utilisateurs de ces plateformes peuvent avoir plus de biais inconscients et de préjugés que, par exemple, des recruteurs sur le marché du travail. Ceux-ci étant davantage sensibilisés à la question des discriminations et à leur prévention, ils devraient effectuer leur sélection davantage sur la base de l’évaluation des compétences des candidats et moins sur la base de stéréotypes. De plus, ces plateformes facilitent considérablement le travail de recherche par les utilisateurs, qui ont accès de manière simple à un grand nombre de biens et services. Ceci peut donner aux utilisateurs la possibilité de choisir d’interagir avec certaines personnes plutôt que d’autres et donc favoriser la discrimination. D’un autre côté, les utilisateurs utilisent ces plateformes pour acheter un bien ou un service. Cette interaction se fait pendant un laps de temps très court et est moins risquée que, par exemple, un recrutement sur le marché du travail. Dans ce cadre très spécifique, les utilisateurs pourraient donc faire face à de la discrimination de la part d’autres utilisateurs. De plus, grâce à la mise en place de l’anonymat des utilisateurs ou à l’utilisation d’algorithmes, le niveau de discrimination pourrait être réduit sur ces plateformes d’intermédiation. C’est dans ce contexte que le Laboratoire Interdisciplinaire d’Evaluation des Politiques Publiques (LIEPP) a voulu mesurer et évaluer l’existence potentielle de discriminations sur des plateformes numériques françaises, en réponse à l’appel d’offre du Défenseur des Droits. Deux plateformes ont ainsi été sélectionnées et observées par l’équipe de recherche avant de mettre en place un testing pour identifier l’existence de discriminations et leurs mécanismes sous-jacents : — BlaBlaCar est une plateforme de covoiturage permettant de connecter des voyageurs et des conducteurs ayant des places libres dans leurs voitures. — Le Bon Coin est une plateforme permettant aux utilisateurs de vendre et d’acheter divers types de biens (ameublement, maroquinerie, jeux vidéo mais aussi des voitures et des biens immobiliers).